Alex Gordon HISTOIRE VRAIE
(Une interprétation juive du "Chat botté" de Charles Perrault, 325 ans après la publication du conte)
Bauschan est le chien de ma fille. Je suis ami avec lui depuis quatre ans maintenant.
Il est d'origine littéraire noble : il porte le nom du chien de l'histoire de Thomas Mann "Un homme et son chien".
Il est de la race des mini-schnauzer allemands. Thomas Mann a appelé son Bauschan avec une mélodie sifflée de la Symphonie inachevée de Franz Schubert.
J'appelle mon Bauschan avec un sifflement du Concerto pour violon en mi mineur de Felix Mendelssohn.
Bauschan sait que Mendelssohn est un compositeur allemand, et lui, comme un chien allemand, aime beaucoup la musique allemande, et j'aime aussi la musique allemande de Mendelssohn parce que d'une certaine manière elle est aussi juive, puisque ce compositeur est juif.
Cependant, Bauschan ne s'intéresse pas à ces subtilités juives.
C'est un cosmopolite, un chien aux vues larges. Il est membre du club international des schnauzers de 31 pays sur quatre continents. Bauschan n'est pas seulement un chien littéraire et musicalement éduqué, aboyant en plusieurs langues, mais aussi un chien très avancé.
Il n'aime probablement pas les chats, mais c'est un chien très progressiste, qui prône l'égalité, le respect et la tolérance.
C'est un véritable internationaliste. Il respecte toutes les créatures vivantes, même les chats, bien que je ne sois pas sûre que ce respect soit mutuel.
Bauschan et moi nous asseyons souvent pour réfléchir, chacun de son côté : lui sur ses ancêtres en Allemagne, moi sur mes ancêtres en Israël, sur leur expulsion de la terre où Bauschan et moi vivons - lui depuis quatre ans et moi depuis 43 ans.
Je lui raconte des histoires que j'ai inventées sur ses ancêtres et je me demande quelle part de vérité et quelle part de légendes je connais sur mes ancêtres.
C'est peut-être une question discutable. C'est une bonne chose qu'il n'y ait pas besoin d'argumenter avec Baushan. Il n'est pas juif. Les juifs aiment se disputer. J'ai un voisin dont sa femme dit : son opinion dépend de celle de son interlocuteur - elle est toujours à l'opposé de la sienne.
Et quel débatteur était ma défunte grand-mère Rosa ! Je ne me souviens pas qu'elle était d'accord avec qui que ce soit. Elle n'avait pas un seul organe de consentement dans son corps. Par-dessus tout, ma grand-mère aimait se disputer avec sa fille, ma mère.
Et ma mère aimait se disputer avec moi. Il s'agissait surtout de savoir comment les enfants devaient se comporter avec leurs parents. Bauschan n'est pas intéressé par ces sujets. Il sait pertinemment que ma fille est sa mère, et il sait très bien comment la traiter. Il est inutile d'argumenter avec lui sur ce sujet.
Un jour, Bauschan m'a présenté une étonnante histoire de chat. Le lecteur peut penser qu'il s'agit d'un conte de fées, car elle est racontée sur la base d'un conte de fées, mais c'est une erreur : l'histoire est vraie et fournit un riche matériel de réflexion.
Ainsi, un jour, Bauschan s'est approché de moi et, à sa manière originale et amicale, m'a fait comprendre que j'étais obligé d'écouter l'histoire de sa nouvelle connaissance et voisine, la propriétaire du chat.
Voici l'histoire de ce propriétaire de chat que Bauschan et moi avons entendue. Mais d'abord, je vais brièvement rappeler au lecteur le contenu de l'un des contes de fées les plus populaires d'Europe, "Le Chat botté" (le premier titre était "Maître chat ou Chat botté"), de Charles Perrault, publié il y a 325 ans, en 1697:
"Il était une fois un meunier qui laissa à ses trois fils tout ce qu'il possédait, à savoir un chat, un moulin et un âne. Il n'a pas fallu longtemps pour qu'ils se partagent l'héritage. L'aîné a eu le moulin, celui du milieu l'âne, et le plus jeune le chat. Mais ce n'était pas un chat ordinaire. Celui-ci pouvait parler.
Il a dit à son maître de lui donner une paire de bottes, un sac et de le laisser aller dans le boscage et qu'il ne regrettera pas. Bientôt il attrapa un lapin et l'apporta au roi. Quand il apporte le lapin au roi, il dit qu'il lui a été envoyé par son maître, plus connu sous le nom de Marquis de Carabas. Le roi aima le cadeau, donna un pourboire au Chat et lui dit de donner le bonjour à son maître.
Presque trois mois passèrent, et le Chat apporta au Roi d'autres cadeaux en disant qu'ils venaient du Marquis de Carabas.
Un jour, le roi décida de se promener sur le rivage avec sa fille, la jolie princesse.
Quand le Chat l'apprit, il dit à son maître d'aller se baigner dans la rivière et qu'il s'occuperait du reste. Le maître l'écouta et quand il se retrouva dans la rivière, le Chat se mit à crier : "Le marquis de Carabas se noie."
Le roi regarda hors de son carrosse et quand il reconnut le Chat, il envoya ses hommes pour les aider. Pendant qu'ils sortaient le Marquis de Carabas de la rivière, le Chat dit au roi que les vêtements de son maître avaient été volés pendant qu'il se baignait.
Le roi donna l'ordre à ses hommes d'apporter les plus beaux vêtements pour le Marquis de Carabas. Le roi était gentil avec le jeune maître, et quand la princesse le vit, elle tomba immédiatement amoureuse et l'invita dans le carrosse.
Alors qu'ils roulaient dans le carrosse, le Chat s'avança et dit aux faucheurs qu'ils devaient dire que la terre appartenait au Marquis de Carabas et s'ils ne lui obéissaient pas, il les menaçait de les broyer comme du pâté. Ils ont eu peur et ont dit au roi ce que le Chat avait ordonné.
La même chose fut faite par de nombreuses personnes, et le roi ne pouvait pas croire que le Marquis de Carabas possédait une telle fortune.
Le Chat se rendit dans un château où vivait l'ogre sorcier le plus riche qui possédait tous les champs que le roi croyait être en possession du Marquis de Carabas.
Le Chat sage savait déjà tout sur l'ogre sorcier, et c'est pourquoi il lui rendit visite. L'ogre sorcier fut assez aimable pour le laisser entrer et le Chat, feignant d'admirer son art, convainquit le sorcier de lui montrer certaines compétences pour lesquelles il était connu.
D'abord, il le convainquit de se transformer en lion, mais quand il le fit, le Chat eut tellement peur qu'il sauta au plafond et faillit perdre ses bottes. Ensuite, il lui a demandé de se transformer en souris, et quand il l'a fait, le Chat l'a mangée.
Le carrosse s'est approchée du château et le Chat est descendu pour aller dire bonjour aux invités et leur annonçant qu'ils étaient devant le château du Marquis de Carabases. Le roi était ravi que dans son royaume vive un Marquis aussi riche et la princesse était encore plus amoureuse quand elle a vu combien il était riche. Le même jour, le roi donna la permission de les marier tous les deux, après quoi le Chat devint un vrai gentleman qui chassait les souris pour s'amuser."
Alors, je passe le mot à notre voisin, le propriétaire du chat : "Je suis pour l'humanisme. Je suis une personne humaine, et je traite les animaux avec humanité. La déshumanisation me rend triste. Elle est décrite dans le conte de Charles Perrault "Le Chat botté".
Les "déshumanisés" sont l'humanoïde affirmatif comme le Chat et son maître passif. La nécessité oblige le Chat à devenir un menteur, un rusé, un voleur, un tueur de lapins mignons, un prétendant, un maître chanteur, un intimidateur de paysans, un type calculateur qui s'est assuré une belle vie en faisant carrière pour son maître narquois.
Le maître du chat, un pauvre paysan, devient le complice des aventures du chat. Le conte de Perrault reflète la lutte des classes entre les riches et les pauvres, les socialement forts et les socialement faibles. Le chat et son maître sont pauvres. Le roi et l'ogre sont les riches. Les pauvres battent les riches avec leur intelligence.
Une partie du succès du Chat est le triomphe du socialisme, le succès de la redistribution du butin, mais le Chat lui-même devient un homme riche et un exploiteur, tout comme son maître.
Par conséquent, la victoire du socialisme n'est pas complète et n'est pas définitive, ce qui ne conduit pas à un véritable socialisme, car, en fin de compte, le féodalisme l'emporte : Le maître du Chat devient un marquis et le Chat devient une "personne importante", si importante qu'il cesse de travailler comme chasseur de souris.
À cette époque, seule la capture des souris et des rats justifiait son existence.
Dans "Les musiciens de la ville de Brême" des frères Grimm, un vieux chat, dont les dents s'étaient émoussées et qui ne pouvait plus attraper de souris, était menacé de mort : sa maîtresse voulait le noyer.
Le Chat botté est un filou qui trompe les gens. C'est un charmant coquin. C'est une sorte de picaro, analogue à l'escroc aventureux, un type bien connu en littérature, qui se joue habilement de ses adversaires par toutes sortes de ruses.
Pierre Beaumarchais a inventé pour son héros Figaro un nom similaire à picaro. Il est vrai que le Chat Botté est plus proche de Panurge, le héros de François Rabelais, car il est plus louche, rusé, grossier et cynique que Figaro. Le Chat botté est un grand stratège brutal, possédant les qualités d'un oligarque russe moderne.
L'opération visant à infiltrer le maître de Chat dans le palais royal est le summum de la pensée du stratège de génie.
D'abord les cadeaux de lapins et de perdrix au roi, puis l'histoire du bain de son maître, de la dissimulation de ses vêtements, du "sauvetage" du maître par les serviteurs du roi, de l'intimidation par le Chat des faucheurs et faucheuses de l'Ogre, et enfin de l'opération visant à tromper l'Ogre, à le vaincre et à s'emparer de son château et de ses biens.
Ce sont toutes des réalisations stratégiques majeures du pauvre petit Chat, hérité par le meunier à son plus jeune fils. L'inutile Chat semblait être une malheureuse acquisition de ce fils en comparaison aux cadeaux faits à ses frères aînés, le moulin et l'âne. Le moulin et l'âne étaient des cadeaux pratiques, le chat était un fardeau : il fallait le nourrir et il n'était d'aucune utilité.
Mais il s'avère que l'esprit l'emporte sur la matière, en contradiction avec la doctrine marxiste.
Le chat s'est avéré être intelligent et plus précieux que des cadeaux aussi simples, clairs et utiles que le moulin et l'âne.
L'intelligence a triomphé de la force. Dans le contexte de la victoire du féodalisme, la fibre entrepreneuriale du Chat est prononcée. Le nouveau riche devenu entrepreneur le Chat a les traits nécessaires d'un homme d'affaires qui s'efforce de réussir dans ses affaires.
Les lecteurs applaudissent le Chat. Ils sympathisent avec lui pour plusieurs raisons :
1) ils n'aiment pas les riches, 2) ils veulent eux-mêmes devenir riches, 3) ils veulent que le riche reste un imbécile, car c'est ainsi qu'ils ont l'espoir d'inventer et de se débarrasser de la pauvreté, 4) ils aiment le fait que le petit homme malmené, auparavant passif, devienne l'initiateur de l'entreprise originale qui consiste à intercepter la richesse du possesseur injuste : piller le butin ! (le lecteur est donc un socialiste instinctif, spontané), 5) le lecteur cherche la justice et pense la trouver. Le Chat est sans aucun doute un homme d'affaires prospère, rusé, dur, vif d'esprit et impitoyable. Je regarde mon chat et je me dis : quel dommage qu'il ne puisse pas porter de bottes".
Le propriétaire du chat est resté silencieux. Bauschan et moi avons écouté cette interprétation du conte du "Chat botté" la bouche ouverte.
Ainsi, grâce à la curiosité de Bauschan, j'ai entendu une histoire étonnamment vraie sur le thème des contes de fées.
Bauschan a probablement été frappé par les exploits exceptionnels de Chat en tant que représentant du royaume des animaux. Comme Bauschan s'est toujours battu pour la protection des droits des animaux et leur égalisation avec les humains, il a probablement pensé à utiliser ce matériel pour son travail.
D'autres pensées me traversèrent l'esprit, ni philosophiques, ni juridiques, ni économiques. Soudain, comme une réponse à mes pensées, j'ai entendu la voix du narrateur.
Le propriétaire du chat a interrompu la pause et a dit, en se tournant vers moi : "Vous savez, c'est une bonne chose que tous ces actes aient été commis par un chat et non par un homme. Si c'était un humain qui avait fait toutes ces choses horribles et sournoises, on aurait dit : "C'est encore la faute des Juifs"." J'ai réfléchi un peu à ce qui a été dit et j'ai accepté.
Bauschan l'a écouté calmement. Ses pensées étaient très éloignées des préoccupations humaines et encore moins juives. En tant que combattant pour les droits des animaux, il était un internationaliste au sens le plus élevé du terme. Il se situait bien au-dessus de nos complexes d'infériorité juifs.